Lundi 31 mars vers 10 h, c’est le grand départ sous une légère pluie. Trois sons de corne de brume font frissonner certains au passage du chenal du port, que le Marion Dufresne refranchira dans un mois.
D’abord, cap au nord, par une mer calme. Arrivée à l’aube mardi 1er avril devant Tromelin, île de 1 km² faisant partie du cinquième district des TAAF, les îles Eparses, créé en 2007. Tromelin se trouve à 560 km au nord de La Réunion. Bien que disposant d’une piste d’aviation, celle-ci n’est plus utilisée depuis de nombreuses années, suite aux travaux d’éradication des rongeurs (rats en 2005, souris en 2023) qui ont permis une augmentation importante du nombre d’espèces d’oiseaux nicheurs, passées de 2 à 7 sur l’île, et du nombre de couples (5500). Tromelin est donc ravitaillée par bateau quatre fois par an et le personnel (4 agents) est relevé environ tous les 3 mois.
Les autres îles Eparses sont situées dans le canal du Mozambique entre l’Afrique et Madagascar, ravitaillées généralement par avion (Europa, Juan de Nova, Glorieuses, Bassas da India, les trois premières étant régulièrement occupées par un contingent militaire français).
En plus de la relève, nous sommes 47 à être déposés par hélicoptère vers 9h30 et nous sommes reçus par Clara, Etienne, Maiwenn et Christine qui viennent de passer 3 mois sur Tromelin. Clara nous fait une visite guidée naturaliste et historique passionnante, sous un soleil tropical.
Tromelin est un ancien volcan sous-marin sur lequel un récif corallien s’est développé, constituant toute la partie émergée de l’île. Très plate, l’île est partiellement recouverte de veloutiers, arbustes bas dans lesquels nichent des fous masqués et fous à pied rouge. Sur la plage, le sable est intégralement constitué de corail roulé, terrain de ponte des tortues vertes. Elles s’observent surtout la nuit et tôt le matin. Leurs traces sont régulièrement comptées depuis 40 ans. Elles sont plus de 1000 à venir pondre sur l’île chaque année.

Fou à pied rouge
Quant à l’histoire de Tromelin, elle est surtout marquée par le naufrage de l’Utile en 1761, flute de la compagnie française des Indes Orientales. La réalité est particulièrement âpre pour ces 80 naufragés malgaches, laissés à terre par les marins blancs qui avaient réussi à recréer une embarcation de fortune pour rallier Madagascar : une eau faiblement saumâtre provenant d’un puits sommaire, une nourriture invariablement faite d’oiseaux, d’œufs, de poissons, et une promesse de sauvetage non tenue. Les drames s’enchainent. 15 ans plus tard, seuls 7 femmes et un enfant seront sauvés par la corvette La Dauphine, commandée par Tromelin, qui laissera son nom à la petite île de sable.
1954 marque l’installation d’une base météorologique permanente. Plus de 270 agents de Météo France ont pendant un peu plus de 60 ans assuré une présence française sur l’île. Depuis 2007, la présence permanente se poursuit sous l’égide des TAAF avec une diversification des missions. Les observations météo sont maintenant automatisées.
A midi, l’équipe sortante nous accueille pour un fabuleux repas, et nous, près de 50 visiteurs d’un jour, mesurons leur travail colossal, avec les « moyens du bord ».

Bâtiment principal de la base Serge Frolow
Lors de cette escale de 24h, des travaux ont été réalisés sur le système radio, les sondes météo, la géodésie, la prise de vue par drones pour suivre l’évolution de la végétation. Des plongées ont également été réalisées depuis le Marion Dufresne pour suivre l’état des coraux et leur tendance au blanchiment en raison de l’augmentation de la température de l’eau.
Pour moi, retour sur le Marion vers 15h30 après 6 heures inoubliables sur Tromelin.
Appareillage le mercredi 2 avril à 9h30, direction le sud de La Réunion, aéroport de Pierrefonds, où les agents de Tromelin sont débarqués par hélicoptère jeudi à 8h, avant que vous mettions cap vers le Grand Sud.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur Tromelin :
Plus particulièrement la biodiversité de Tromelin et le rôle des agents sur place, je recommande l’article récent suivant, magnifiquement illustré :
https://biodiversite-outre-mer.fr/paroles-d-acteurs/reportage/terrain-agent-environnement-taaf
Yannick VERDENAL.
(Photo : Y. VERDENAL)