Vendredi soir, tout le monde a réembarqué sur le Marion, nous mettons cap 312° et dans le soleil du soir réapercevons l’île Amsterdam. D’un mouvement de la tête, les deux îles sœur sont là sous notre regard, avant que la nuit n’éteigne leur silhouette.
A bord, les journées du samedi 26 au mardi 29 avril reprennent un rythme de croisière ( !). Le cap ne change pas, en direction de la Réunion. Le temps se réchauffe progressivement. Plusieurs conférences ou projections sont organisées à bord : sur la 1é mission à Amsterdam, sur les pierres gravées de Saint-Paul et Amsterdam, sur les réserves naturelles des îles Eparses. Je diffuse le film sur la 12ème mission (1962) à Kerguelen, de Jacques Nougier. Ce dernier film a beaucoup intéressé et a été également laissé sur base lors de l’escale à Kerguelen, après autorisation de son auteur, membre de l’amicale.
La bonne humeur s’exprime par une multitude de tournois sportifs ou non, les joueurs de coinche et de fléchettes remportent un beau succès tout comme la course de relai en vélo sur 25 heures. Les moments de fête sont nombreux dont le mythique barbecue sur la DZ l’avant-veille de l’arrivée.

Détente de fin d’OP pour les personnels interdistricts IPEV ou des programmes soutenus par l’IPEV, de gauche à droite : Maxime, Romuald, Sarah, Brendan, Yann, Tanguy, Yann (à bord étaient également présents des Volontaires de Servie Civique sur des programmes IPEV, non présents sur la photo)

Le traditionnel barbecue sur la DZ !
Cette fête de fin d’OP sur la DZ est aussi l’occasion de célébrer le départ en retraite de trois membres d’équipage du Marion, et de Fabienne Brisbout (administration des TAAF), je reparlerai de leur parcours dans le numéro de décembre de la revue australe et polaire.
Le retour se profile et certains se projettent dans l’après, tandis que d’autres prennent le temps de rêver à un intermède plus ou moins long.
Parcourir ces territoires d’exception a été avant tout une aventure humaine très riche qui laissera des liens forts, à n’en pas douter.
Au-delà de l’émerveillement intact, les reparcourir 28 ans plus tard a été pour moi l’occasion de refaire le point sur les activités menées dans ces territoires. Je me remémore la concentration en CO2 lorsque j’étais VAT en 1997 à AMS : 360 ppm, soit environ 80 ppm de plus par rapport au niveau pré-industriel. Nous sommes maintenant à plus de 420 ppm. En 28 ans, l’augmentation est colossale et le changement climatique s’intensifie, partout, de plus en plus, y compris à Kerguelen avec un recul considérable des glaciers. Après l’incendie à Amsterdam, et dans le contexte géopolitique actuel (l’autre observatoire de référence pour le CO2 est à Hawaï et la poursuite de son activité est très incertaine vu les décisions récentes de la nouvelle administration américaine), il est essentiel que l’observatoire de Pointe Bénédicte, de référence mondiale, redémarre rapidement.
Tous les autres programmes scientifiques sont d’un grand intérêt, qu’ils soient orientés sur la géophysique, l’adaptation de la faune au changement climatique, ou la vulnérabilité de celle-ci aux pathogènes. La réserve naturelle des TAAF et la reconnaissance de l’UNESCO concourent à assurer une meilleure connaissance et durabilité aux écosystèmes d’exception, qu’ils soient marins ou terrestres. Les règles qui s’imposent à tous me semblent rentrées dans les habitudes sans que cela ne génère de gène excessif. L’indépendance européenne a également besoin de ces territoires ultramarins, Galiléo en est un exemple flagrant.
A un moment où planent des difficultés de financement de la recherche polaire française à court et moyen terme, entrainant une baisse annoncée de la campagne d’été 2025-26 (cf. actualité du 29 avril sur le site de l’Ipev : https://institut-polaire.fr/fr/en-difficulte-budgetaire-linstitut-polaire-est-contraint-de-reduire-la-campagne-dete-2025-2026/), le retour aux réalités est difficile.
Je terminerai ce récit par des remerciements chaleureux à Madame la préfète des TAAF et plus largement à tous les membres des TAAF et de l’IPEV rencontrés lors de l’OP1, à l’équipage du Marion Dufresne et à son commandant, aux trois chefs de districts de Crozet, Kerguelen et Amsterdam, à tous les passagers et hivernants avec lesquels j’ai échangé sur nos expériences mutuelles et leur ressenti. Mention spéciale aux équipes cuisine qui se sont surpassées pour nous accueillir, notamment à Tromelin ! J’ai à plusieurs reprises présenté les raisons d’être de l’amicale AMAEPF et les buts recherchés, qui concourent tous à une meilleure promotion des TAAF dans leur diversité culturelle, historique, scientifique, et à un maintien des liens entre ceux qui ont eu la chance de s’y rendre, ou que les TAAF passionnent. J’espère que les nombreux contacts noués aboutiront pour partie à des adhésions durables. Je remercie également les membres du conseil d’administration de l’AMAEPF pour leur confiance et Christian Morino pour la mise en ligne des articles sur le site de l’amicale.
Arrivée au port de l’île de la Réunion mercredi matin le 30 avril. Après ces presque « cinq semaines en Marion », petit jeu de mots pour singer un auteur célèbre que les terres australes ont largement inspiré, je vais retrouver d’ici quelques jours ma Marion, mon épouse, et mes deux fils.
Yannick VERDENAL.
(Photo : Y. VERDENAL)